Depuis l’adoption de la loi antiprostitution, il y a près d’un an, nos associations ne cessent de constater ses effets délétères. Précarisation, insécurité et impacts négatifs sur la santé sont désormais le lot quotidien des travailleurs du sexe.

Le premier effet néfaste est la baisse de revenus des travailleurs du sexe. Les tensions sur le terrain sont plus fortes, le stress s’est accru et le rapport de force s’est inversé en faveur des clients. Le prix des passes a diminué, obligeant ainsi à travailler plus longtemps et à «faire» plus de clients. Cette précarisation est, à tort, utilisée comme une preuve du succès de la loi par ses défenseurs qui parient sur son effet dissuasif. Or, les travailleurs du sexe n’ont pas changé de métier du jour au lendemain. Leur nombre n’a pas diminué et la répression n’a eu aucune efficacité contre la traite et l’exploitation.

L’importante augmentation du nombre d’agressions signalées constitue l’autre effet le plus significatif. Les clients sont moins nombreux, et parmi les personnes qui fréquentent les lieux de travail sexuel, certaines tentent de profiter du désarroi général en se faisant passer pour des clients. Les travailleurs du sexe sont poussés à prendre plus de risques en acceptant des hommes potentiellement dangereux, se rendant dans des endroits plus isolés, à l’abri du regard policier, et dans un contexte de stress plus propice aux agressions.

Enfin, concernant la santé, des témoignages fréquents de rapports sans préservatif nous sont rapportés. La pénalisation crée des phénomènes de déplacements qui font perdre aux associations le contact avec des travailleurs du sexe de plus en plus mobiles. Certaines personnes ne sont plus correctement suivies tandis que d’autres interrompent leurs traitements médicaux et préventifs. Le travail de prévention, les services de dépistage, d’accès aux traitements et d’accompagnement sur le long terme sont plus difficiles à mettre en œuvre.

Le monde scientifique et de la lutte contre le sida a déjà documenté les conséquences négatives sur la santé des politiques de pénalisation. L’étude la plus récente parue dans The Lancet le 24 janvier montre des disparités importantes de prévalence VIH entre pays européens selon qu’ils pénalisent ou non le travail sexuel. D’autres études évoquent la possibilité de réduire l’infection au VIH de 33 % à 46 % grâce à la décriminalisation du travail sexuel.Tandis qu’en Corée du Sud, des chercheurs ont trouvé une corrélation entre la pénalisation des clients et une augmentation des infections sexuellement transmissibles (1),en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), aucun cas de transmission VIH n’a été répertorié depuis que le travail sexuel y a été dépénalisé, en 1995.

Face à ces constats, nous interpellons les candidats à la présidentielle sur la nécessité de reconsidérer nos politiques publiques régissant le travail sexuel en s’appuyant sur les preuves scientifiques, ainsi que les recommandations de nombreuses institutions internationales et françaises sur le sujet, en respectant la santé et les droits humains des travailleurs du sexe. Nous exigeons l’arrêt de la pénalisation du travail sexuel entre adultes consentants et de ses clients. C’est pourquoi nous appelons à une manifestation le samedi 8 avril.

(1) Y. Lee et Y. Jung (2009), «The Correlation Between the New Prostitution Acts and Sexually Transmitted Diseases in Korea», The Korean Journal of Policy Studies.

SIGNATAIRES : Aurélien Beaucamp, président de AIDES; Docteur Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde; Jean Luc Roméro, président d’Elus Locaux contre le sida; Océane Rosemarie, humoriste et comédienne; Brigitte Sy, réalisatrice; Annie Lahmer, conseillère régionale Ile-de-France; Eve Plenel, militante lutte contre le VIH; Frédérique Menant, réalisatrice; Isabelle Cambroukis, éditrice; Hélène Hazéra, productrice radio sur France Culture & «ex-putain»; Sam MH Bourcier, universitaire Lille-3; Noomi B Grusi traductrice; Mylène Juste, secrétaire générale du STRASS; Séverine Oriol, présidente de Grisélidis; Sergio Coronado, député; Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne et universitaire; Rokhaya Diallo, journaliste et auteure; Fania Noel, militante afroféministe; Ovidie, réalisatrice & ancienne actrice porno ; Mikaël Zenouda, Président d’Act Up-Paris; Laure Pora, Ancienne pésidente d’Act Up-Paris; Véronique Séhier et Caroline Rebhi, coprésidentes du Planning Familial; Sabine LI, présidente de Cabiria; Richard Yung, Sénateur; Corine Faugeron, coresponsable de la commission Féminisme EELV

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