Interdire la prostitution est un crime

Interdire la prostitution est un crime

par Steve Chapman,  membre du comité de rédaction du Chicago Tribune

Interdire les choses qui ne vous plaisent pas ? C’est une longue histoire, mais pas une histoire heureuse . Les Américains ont essayé d’interdire l’alcool, la marijuana, la pornographie et l’homosexualité. Chacun de ces faits a persisté envers et contre tout.

En conséquence, nous avons appris non seulement à les tolérer, mais à les autoriser. Aujourd’hui, vous pouvez boire un verre de scotch dans un bar gay tout en regardant du porno sur votre iPad, et la police n’en a rien à faire. Dans le Colorado et l’état de Washington, vous pouvez sortir de chez vous et acheter du cannabis dans un magasin autorisé par l’état.

La prohibition a également été un échec dans le cas le commerce du sexe. Trouver un « salon de massage érotique » sur Internet est à peu près aussi difficile que de trouver une pizzeria. Des sites proposent page après page d’ « escortes », femmes et hommes.

Quatorze pour cent des américains mâles admettent avoir eu recours aux services d’une prostituée au moins une fois – ce qui revient à près de 17 millions de clients. On estime à 1 million le nombre de femmes qui se sont engagées dans la prostitution aux Etats-Unis.
Face à cette réalité, Amnesty International a récemment approuvé la dépénalisation de «travail du sexe». Cette position a reçu l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé, d’Anti-Slavery International et de l’Alliance Globale contre la traite des femmes.
Ces organismes ont réalisé que l’interdiction de la prostitution ne la fait pas disparaitre. Elle la pousse simplement dans la clandestinité, où les abus sont plus probables et plus difficiles à détecter. Tant qu’il s’agit d’un crime, dit le Comité International sur les droits des travailleurs du sexe en Europe, « les travailleurs du sexe risqueront d’être victimes de violences policières, d’arrestations, de viols, de chantage et de déportation, et seront incapables de signaler les abus. »
Là où leur métier est dépénalisé, les prostituées trouvent plus facilement à travailler dans des milieux où les conditions sont contrôlées, où les clients sont filtrés et où des garanties en matière de santé sont obligatoires. Elles n’ont pas non plus à craindre d’être arrêtées ou soumises à un chantage par la police.
Mais la position d’Amnesty International a déclenché une tourmente de critiques. Une lettre signée par des militantes féministes, des membres du clergé et des célébrités a accusé le groupe de donner du pouvoir aux proxénètes et de perpétuer un « apartheid de genre. » Cindy McCain, présidente du Conseil consultatif sur la Traite des Etres Humains de l’Institut McCain pour le leadership International, a appelé cette décision « un désolant abandon des personnes qui sont vendues à des fins sexuelles chaque jour. »
Ce qui outrage la critique, c’est l’idée que des adultes rationnels choisissent de louer leur corps pour une satisfaction érotique. Cindy McCain a insisté : «La décision de vendre son corps pour des relations sexuelles prise en l’absence de meilleures circonstances n’est pas un droit humain. » Mais le même raisonnement pourrait être appliqué à des gens qui occupent un certain nombre d’emplois désagréables, de l’abattage des poulets à la garde des détenus.
La prostitution peut être une façon horrible de gagner sa vie. Mais les femmes (et les hommes) qui la choisissent jugent les autres options qui s’offrent à elles encore moins attrayantes. Leur interdire le travail sexuel, par définition, aggrave leur situation.
Les opposants à Amnesty International affirment que cette activité repose à la base sur l’asservissement des femmes. Mais cela est un phénomène rare. L’administration de George W. Bush a mis en place 42 groupes de travail dans le cadre du Ministère de la Justice et a dépensé quelque 150 millions de dollars pour essayer de trouver des femmes et des jeunes filles contraintes à la prostitution, à rapporté le Washington Post. En sept ans, ces efforts n’ont produit que 148 poursuites.
Time magazine affirme que les données suggèrent que « la majorité des gens qui travaillent dans l’industrie du sexe le font contre leur volonté » – une affirmation que le sociologue Ronald Weitzer de l’Université George Washington, auteur en 2012 du livre « Légaliser la Prostitution, » dit être « un non-sens ». Il n’existe pas d’enquêtes représentatives sur les travailleurs sexuels, recherches qui seraient nécessaires pour confirmer que +la majorité+, ou tout pourcentage, des travailleurs du sexe le font contre leur volonté « .
Les criminologues James Finckenauer et Ko-lin Chin de la Rutgers University ont interrogé 149 femmes chinoises qui ont quitté leur pays pour s’adonner à l’industrie du sexe. « Aucune des femmes que nous avons interviewées n’a déclaré avoir été soumise à enlèvement, force ni contrainte, » ont-ils signalé. Beaucoup l’ont fait « pour avoir un niveau de revenus qu’elles ne pourraient jamais obtenir par d’autres moyens. »
La traite des êtres humains a été mise en évidence dans diverses industries à travers le monde, y compris dans des salons de manucure de Manhattan. Mais personne ne pense que nous devrions interdire les manucures.
La dénonciation de la décriminalisation est le fait d’une étrange alliance de féministes qui considèrent tous les travailleurs sexuels (y compris les stars du porno et strip-teaseuses) comme des victimes de l’oppression, et de chrétiens qui les considèrent comme au fin fond de la dépravation. Les deux groupes se basent sur la conviction que certains types de sexualité sont honteux, dangereux et intolérables – une attitude qui a alimenté longtemps la persécution des homosexuels.
Mais une chose que nous avons apprise est que différentes personnes ont différents types de relations sexuelles pour toutes sortes de raisons qui ne sont véritablement l’affaire de personne d’autre. Que ce soit pour de l’argent n’a rien de différent.
Steve Chapman, un membre du comité de rédaction du Chicago Tribune, publie un blog à l’adresse :www.chicagotribune.com/chapman.
schapman@tribpub.com
Twitter @ SteveChapman13

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